Chers amis, chers prisonniers, très chers détenus, chers coéquipiers, taulards, potos du haps, chers tous…

Voilà bientôt plus d’un mois que vous nous avez quitté, ou plutôt que nous vous avons quitté et il n’y a pas une journée où on a pas pensé à vous. Il ne se passe pas un jour sans qu’on ne parle de vous. En vrai c’est incroyable cette histoire qu’on a vécu ensemble. Il y a aujourd’hui quelque chose qui nous lie à vie. Lorsque nous sommes arrivés à Vendin-le Vieil, au fond nous n’avions aucune idée de ce qui nous attendait. Puis on s’est laissé porter, guider par les longues journées du Nord, le brouillard matinal. Les barbelés s’emmêlent dans les nuages et se mélangent dans le ciel bleu. La chaleur d’avant automne va remplir nos après-midis et vos manières d’être nos cœurs, nous nous en rendons vite compte. On a essayé de vivre le truc sans trop se poser aucune question. La réalité est qu’on s’en fout pourquoi vous êtes là ? Qu’est-ce qui vous a amené ici et vos vies dehors… Nous avons vécu le moment, l’instant présent et on a vu dans vos yeux à tous que c’était réciproque. Le plus dur en fait c’est de ne pas penser au lendemain, ni à hier, de vivre au jour le jour et de ne pas se dire : déjà, il reste plus que trois jours, puis deux, et un seul et puis c’est le départ. Et en vrai lorsque l’on repart on ne se pose même pas la question si c’était bien d’avoir vécu cette histoire commune parce que la vérité c’est que ça fait mal quand on repart. Mais si ça fait mal c’est que ça a vraiment fait énormément de bien. Alors pour rien au monde nous aurions échangé notre place pour qui ou quoi que ce soit. Vous avez été au top, merveilleux, plusieurs semaines après encore ça nous donne des frissons, ça nous remplit de joie et ça nous donne envie de vous serrer fort dans nos bras, de vous retrouver, de passer du temps avec vous dehors ou dedans. Ce qui est incroyable, c’est que nous n’avons pas passé tant de temps ensemble que ça, mais la vérité c’est qu’il y a quelque chose qui nous lie. Cette histoire vécue, cette aventure commune qu’on a presque du mal à raconter tellement elle nous appartient à nous, nous tous qui l’avons vécu. Toutes les photos parlent d’elles même. Nous en avons partagé beaucoup sur les réseaux, les réactions sont au niveau de ce projet. Les gens adorent. Mais il y a surtout, tout ce que nous avons gravé dans nos têtes et dans nos cœurs que personne ne verra jamais. On vous écrit ici, on fait un peu les beaux. Nous savons que plein de gens le lirons, mais surtout, la vérité c’est que vous nous manquez fort. On a appris peu à peu à vous connaître tous. Il y en a avec qui ça a pris un peu plus de temps mais lorsque l’on est reparti le vendredi soir après cette grande réunion avec tous les grands pontes et les huiles de la prison, on avait le sentiment d’être une petite équipe, une petite famille, une famille sans histoire. Parce que c’est vrai il faut le dire cette semaine lors de notre réalisation, de notre passage chez vous il n’y a eu aucune friction. Vous avez réussi à faire un truc que la majorité des gens à l’extérieur ont du mal à faire : vivre l’instant présent. Vous avez été généreux, sincères, soignés et soigneux. Vous êtes remplis de qualités, et ça, ça fait du bien à ressentir et à vivre. Appliqués et impliqués, chaque jour vous étiez déterminé, envie d’aller un peu plus loin, avec cette envie d’apprendre, de nous faire plaisir et de cocher les bonnes cases. On vous le dit et on vous le redira jamais assez : merci les gars. C’est bizarre comme parfois les mots paraissent tous tout  petits face à la situation. C’est le cas ici. La vérité une fois de plus, c’est que nous avons vécu tout ce dont on rêve de vivre dans une vie : des rires, des pleurs, de la sincérité et des choses vraies. Les choses de la vie. On s’est chambrés tous les jours, chaque jour un peu plus. On parlait même parfois de choses intimes et que certains pourraient définir de «bizarre ». Petit à petit, au fil des jours, nous avons commencé à connaître et apprendre nos habitudes, nos tics de langage (non je rigole)… Nous avons partagé nos joies, nos peines, nos sourires escaladent jusqu’aux oreilles. On commence dès le deuxième jour à connaître les choses qui nous énervent, celles qui nous font froncer fort les sourcils jusqu’à ce que les yeux se referment. On comprend le degrés d’énervement de chacun mais on constate aussi la plénitude.

On vous a promis qu’on vous écrivez pour de vrai et on le fera.

En attendant merci mille fois les gars. On vous aime fort. Ce qui nous fait très chaud au cœur, c’est que nous savons très bien qu’il y a plein de familles, vos familles, qui nous suivent, regardent chaque jour les photos avec attention, le cœur rempli d’amour. Ce texte est aussi pour vous. Il n’effacera pas vos peines mais est là un peu comme un baume, une pommade.

On ne va pas vous cacher que ça fait quand même bizarre de vous sentir tous si loin. Nous étions bien tristes et le long trajet pour rentrer à la maison fait quand même du bien tel un sas de décompression. Nous avions sincèrement ce sentiment que ce n’était pas la dernière fois qu’on se verrait. Hâte d’aller partager un resto ensemble, manger des frites jusqu’à ce qu’elles nous sortent par les oreilles, aller au sushi, au restaurant indien, marcher en ville, passer chez Momo avant que nous allions supporter le RC Lens et brandirent les couleurs sang et or dans les nuages au dessus du stade Bollaert et que les fumigènes s’envolent dans le ciel… Faire des choses simples, vivre un bonheur simple. D’ailleurs petite parenthèse, la veille de notre arrivée pour éviter toutes tensions entre nous nous avions fait en sorte que Bordeaux perdent contre Lens et pour vous prouver notre fidélité, nous nous sommes arrangés pour que quelques jours après notre départ ce soit la même chose avec Marseille.

Aujourd’hui, nous imaginons que les journées doivent être longue, les heures de travail font tourner les aiguilles un peu plus vite mais les après-midis doivent être parfois compliquées surtout que l’hiver arrive à grands pas. On espère que les chauffages vont être de qualité. Certaines d’entre vous ont encore quelques semaines, plusieurs mois ou des petites années à faire. Tenez bon. Même si aujourd’hui, de là où nous sommes, on ne peut pas faire beaucoup mieux nous vous envoyons de la force et des valises d’amour en attendant la suite. Tenez bon moralement, mentalement, physiquement et sentimentalement. N’oubliez pas, on a reçu plein de messages à l’extérieur de vos proches, ils vous attendent de pied ferme et ils vous aiment fort. Prenez soin de vous, on ne vous oublie pas <3

Ce projet en prison et pour nous une aventure inoubliable et surtout hors du temps. Nous nous retrouvons ici après plusieurs mois de préparation et nous ne pouvions jamais nous attendre à ce que nous allions vivre. On ne pensait pas vivre cette aventure de la sorte. Pour être très honnête avec vous, c’est encore mieux que ce que l’on pouvait attendre. Nous avons eu l’immense honneur et la grande chance de passer du temps avec neuf détenus, neuf personnes avec leurs qualités et leurs défauts mais tous avec un grand cœur.

Nous avons eu un noyau dur très intéressés et impliqués dans le projet. Certains venaient juste passer du temps avec nous, où nous allions juste passer du temps avec eux mais à nos yeux ils font entièrement partis du projet. C’est un travail d’équipe et chacun à participé à sa manière. Nous tenons à remercier intensément tout ce quartier du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil.

Nous avons créé toutes les œuvres entre le lundi et le vendredi après-midi. Tout d’abord nous avons eu la chance de visiter toute la prison le lundi matin lorsque nous sommes arrivés. Puis l’après-midi, le moment tant attendu, nous faisons connaissance avec l’équipe qui nous suivra toute la semaine, notre bande, notre gang, nos futurs amis, la Dream Team. Nous nous présentons, passons nos premiers instants ensemble et très vite une confiance commune s’installe. Tout le monde arrive un peu au compte goutte mais arrive tout de même à raccrocher les wagons. On continue, ou plutôt commence l’aventure. Nous leur montrons notre travail, nos fresques. On leur parle de notre identité artistique que nous développons depuis dix années. Très vite nous comprenons le sens et la direction des œuvres que nous aimerions construire tous ensemble. Les gars ont envie et besoin d’images figuratives qui les fassent voyager. Nous amènerons aussi un peu d’abstrait afin de rendre le tout plus dynamique. Nous réalisons alors tous ensemble une liste d’endroits, de paysages, tels des cartes postales qui nous ferait sortir un peu de la prison même en gardant les pieds dedans. Nous allons alors faire des doublons rythmés d’un abstrait et d’un figuratif. Nous expliquons à notre groupe que nous peignons essentiellement nos propres photos. Nous rentrons alors dans la petite chambre d’hôtel à quelques pas de la prison où nous nous questionnons. Nous partons à la recherche fulgurante d’un tas d’images qui correspondra aux attentes et aux envies de tous. Coucher de soleil, montagnes enneigées, savane, forêts, bois… Nous allons certainement trouver notre bonheur ici… Nous avons aussi pris plein de photos cette après-midi là, et nous pensons représenter une image de l’intérieur, le terrain de foot ou de basket, un groupe de personne, des fils barbelées. Affaire à suivre.

Dès le lendemain le grand chantier commence. Nous avons du temps mais au final pas tant que ça. Vendredi à 16h il y a l’inauguration et nous reprenons la route le soir. Au fond, nous n’avons pas le temps de chômer. Nous avons alors deux mots d’ordre : avancer et profiter de chaque instant, ne pas en perdre une miette. Nous commençons par tracer tous ensemble tous les rectangles, les peindre en blanc. Nous réalisons petit à petit les esquisses des figuratifs. Chaque jour nous devons sortir le matériel, préparer les couleurs, puis la mise en peinture s’effectuera petit à petit. Nous allons très vite et comme vous avez pu le constater sur les photos, nous y sommes arrivés grâce à l’acharnement de tous et la bienveillance de chacun. Nous avons terminé dans les temps vendredi à 16h prêts pour l’inauguration. Le camion était même chargé. Effectivement nous devons tout ce succès à l’équipe avec qui nous avons travaillé.

Comme vous avez certainement dû le constater nous avons beaucoup aimé cette aventure. Elle nous voit grandir un peu plus. Nous nous sommes laissés guider par les jours et amenés le plus loin possible. Nous sommes tellement fiers et heureux de tout ce qu’il s’est passés. On repart le cœur gonflé à bloc et des souvenirs plein la tête pour toute une vie.

Même si ce n’est pas simple, il est venu le temps des remerciements.

Dans un premier temps nous tenons à remercier infiniment Mme Lebozec, coordinatrice des activités à la prison. Merci pour nous avoir fait venir ici. Sans elle nous n’aurions jamais vécu cette expérience inoubliable et rencontré tout un tas de gens bien chouette. Ton investissement, ton implication, tes visites quotidiennes… Avec le covid et l’actualité ça n’a pas été simple. Nous sommes hyper fiers et très émus qu’on ait réussi à aller au bout. Surtout un très grand merci pour les gars de leur avoir permis de vivre ce projet. On ne sait pas ce que la vie nous réserve, peut-être que l’on se reverra bientôt en prison ou ailleurs.

Nous tenons à remercier de tout notre cœur, tous les gens que nous avons côtoyé, avec qui nous avons partagé un moment, une discussion, tous les gens qui bossent à la prison de Vendin-Le-Vieil. On a croisé des gens merveilleux. C’était vraiment trop bien tous ces moments partagés. On oublie rien et on vous porte tous dans notre cœur.

Pensées bien sûr et force aux quelques restaurants où nous avons dîner chaque soir, aux Frites, aux sushis, resto indien et tout le bordel…  Une petite pensée à notre amie Jenna ainsi que toute sa famille et à ce petit match de Lille vécu ensemble. Prochaine fois promis nous ferons plus attention à la lumière. La vie va bien trop vite en vrai, il y a plein de gens du nord que nous aurions aimé voir mais nous n’avons pas eu le temps cette fois.

Enfin, nous tenons à remercier bien fort, mettre à l’honneur notre équipe, nos potos d’une semaine et pour la vie.

Pensées à Jéjer, Ben.d, Paki, Vin’s, Titi, Johnny, Nico, Marc et Mickaël. Prenez soin de vous les gars. Force et surtout on vous souhaite de réaliser vos rêves.

Finissons simplement en disant : Allez Lens. Les vrais se reconnaîtront.

Pour ceux qui nous suivent depuis un long moment vous le savez certainement (mais pour les autres nous rappelons), dans chacune des réalisations que nous faisons, nous mettons des écrits. C’est pour cela que nous essayons de faire des ateliers d’écriture, amasser le plus de contenu possible pour ne garder et inscrire que le meilleur. Voici ci dessous certains textes des détenus avec qui nous avons travaillé. Ici l’exercice était de décrire toutes les choses qu’ils aimeraient faire avant de mourir et bien au contraire toutes celles qu’ils apprécient chaque jour, qu’ils ont connu. Inspiré d’un texte de Boris Vian « Je ne voudrais pas crever. »

Voici le fruit de leurs créations. Merci pour toutes ces belles choses.

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Je ne voudrais pas crever avant d’avoir été en Egypte avec ma femme et mes enfants pour aller voir les pyramides, les tombeaux, les pharaons. Passer plus de temps avec ma famille, visiter les musées. Avant de mourir, je voudrais habiter en montagne, passer le reste de ma vie là bas avec ma petite famille et de bien profiter avant de mourir.

Et il y a aussi tout ce que je connais, que j’apprécie : me réveiller avec un soleil, me poser dans le jardin avec un café et une cigarette, voir mes enfants jouer au ballon… Voir mes enfants jouer tout simplement. Les belles choses de la vie toute simple. J’aime faire des promenades en forêt, faire du vélo avec ma femme et mes enfants, manger des barbecues en famille. J’aime les gens sincères et simples. J’aime pas me lever du mauvais pied car ça me met mal toute la journée. Je n’aime pas les gens qui se mêle de ma vie. Je n’aime pas non plus les balances et les faux culs. Je déteste les ordres. Parfois je veux juste qu’on me laisse tranquille.

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Je ne voudrais pas crever avant de voir de la fierté dans les yeux de mes parents quand ils me regardent et ne plus les faire pleurer. Je ne voudrais pas crever avant d’avoir mis mes enfants et ma femme dans une belle maison et leur offrir ce qu’il y a de mieux, les voir s’épanouir, ne manquant de rien.

Et il y a aussi tout ce que je connais, que j’apprécie comme les jours de match à Bollaert, le jour de noël quand mes enfants remplis d’impatience ouvrent leurs cadeaux, les premiers jours qui précèdent ma sortie de prison où l’on redécouvre les petits plaisirs de la vie, les moments avec ma femme le soir quand les enfants sont couchés, les départs en vacances avec ma famille, la voiture chargée en route vers le soleil et la plage.

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Je ne voudrais pas crever avant d’avoir été en Amérique, avant d’avoir revu certaines personnes. Je souhaiterai ne pas quitter cette terre avant d’avoir des enfants.

Il y a aussi tout ce que je connais que j’apprécie comme les balades en forêt.

Surtout je ne voudrais pas crever avant d’avoir rendu mes proches heureux.

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Avant de tourner difficilement la page nous voulons partager avec vous quelques mots des détenus. A la fin de l’atelier d’écriture, juste avant de retourner à la peinture des fresques et de profiter des derniers rayons de soleil, quatre des participants nous ont livrer quelques mots, leurs ressentis de la semaine et croyez nous, dans le contexte et à la fin d’une semaine si intense, ça fait chaud au cœur. Les larmes sont présentes même si on arrive à les cacher. Merci à vous les gars pour votre investissement et ce projet qu’on n’est pas prêts d’oublier. Prenez soin de vous, dedans comme dehors.

  • Mon ressenti de la semaine peinture : j’ai kiffé de ouf. Ça a été l’une des expériences que j’ai aimé le plus dans ma vie avec deux bons professeurs, maître dans cet art. J’ai aimé peindre avec eux. Ils nous ont laissé faire, avoir confiance en nous. J’ai adoré cette semaine, si c’était à refaire je le referais sans hésiter. JEREMY
  • J’ai passé une semaine bien avec les artistes peintres, j’ai apprécié avoir échangé des discussions avec eux et aussi qu’ils nous ont fait découvrir leur passion devenue un métier. J’ai apprécié leur attitude respectable. Je peux encore passer quelques semaine avec eux sans souci. J’ai découvert deux sortes de peintures, abstraite et classique. Ça m’a vraiment plu. SULIVANE
  • Merci pour cette semaine qui nous a fait oublier la prison, vous êtes au top. Merci d’avoir partagé votre passion avec nous. J’ai adoré cette semaine et le résultat est au rendez vous. J’espère que vous viendrez au stade avec moi, je vous accueillerez comme il se doit. BENJAMIN
  • J’ai passé une agréable semaine pour l’atelier peinture. J’ai découvert pas mal de chose sur la peinture abstraite que je ne connaissais pas. Très beau travail d’équipe. Merci à vous d’être venus nous distraire et nous faire oublier un peu la taule lol. Merci beaucoup. VINCENT

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