Comme chaque bon projet, il faut plusieurs éléments pour réussir celui ci, avoir une bonne thématique ou trouver celle ci mais qu’elle nous parle, que ça sorte du cœur et des tripes, avoir un mur, plutôt grand de préférence, un lieu et une vie autour de ce mur, dans un environnement qui nous plaît et que nous ne connaissons pas, monter une équipe forte pour réussir à faire ce mur. Ici tout était réuni et c’était à nous de faire en sorte qu’on y arrive. Nous avons passé une semaine à la maison d’arrêt d’Epinal dans les Vosges avec six détenues, Nickie, Charlotte, Lætitia, Séverine, Aline, Marie.
Le vendredi matin, 16 Octobre nous nous réveillons à Kingersheim proche de Mulhouse, à 2h d’Epinal où nous allons avoir notre premier rendez vous à 14h avec sept détenues de la maison d’arrêt d’Epinal. Nous vous avouons que les deux heures avant ce premier rencart se sont passées sous le signe de la vitesse et du stress. Nous avons déjà travaillé dans plein d’endroits et de milieux différents, hôpital, maison de retraite, IME, collège, avec des tout petits, en milieu rural, en ville, mais jamais en maison d’arrêt. Nos mains sont moites, nos cœurs battent plus vite que d’habitude, nous nous dirigeons vers l’inconnu et c’est plutôt excitant. On a hâte que ça démarre. Nous sommes devant cette grande porte métallique, ce drapeau tricolore. Nous arrivons avec quelques minutes de retard, puis nous rentrons. Au début nous sommes très intrigués et curieux avec une grande soif et faim de découverte. Comme à la télévision il y a des grosses clés qui provoquent le bruit de ces trousseaux de fer qu’on a du mal à oublier au bout d’une semaine qui doit rester gravé à vie au bout de quelques mois. Il y a une odeur spéciale, des uniformes, des portes blindées, fermées à longueur de journée. Il y a même des gens qui bossent pour ouvrir ces portes. Nous observons tout et ne perdons pas une miette du spectacle qui s’offre à nous mais en réalité ce spectacle est la réalité. C’est la réalité de la prison, avec des salles parloir vitrées, des barreaux, des cellules, des grilles. Nous rencontrons pour la première fois en chair et en os le chef du SPIP pour commencer par une réunion pour tout caler avec tous les chefs, ceux du quartier femme notamment et le directeur adjoint de la prison. C’est à ce moment qu’on nous précise bien qu’ici on ne fait pas ce que l’on veut. On discute de notre emploi du temps que nous avions établis au préalable. Nous n’avons pas le droit aux appareils photos mais quelqu’un viendra deux fois par jour pour en prendre. Ces photos là devront être validées par la direction avant de sortir de la prison. Faire attention aux échelles, bien ranger le matériel et respecter des horaires. Pas mal de contraintes pour nous mais qui feront aussi ce qu’a été le projet. Tout est bon et nous nous dirigeons alors vers le quartier femme pour rencontrer une première fois notre équipe. Il est important pour nous de repartir de ce premier entretien avec une idée du visuel que nous allons réaliser pour pouvoir passer le week end à bosser dessus. Nous faisons alors connaissance pendant une petite heure. On est un peu stressés mais ça nous plaît et notre nouvelle « bande » a l’air au top. Poignées de mains franches, on se regarde dans les yeux, on rigole, on est tous motivé, du moins pour l’instant ça a l’air. On repart donc en dehors de l’enceinte de la prison avec notre thématique en main et l’idée du visuel qu’on va faire. Les couleurs du fond seront les couleurs de l’automne, soit dans les rouges, oranges, prune. Les phrases que nous écriront parleront des piliers qui nous font avancer dans la vie et de ces petites choses qu’on traîne partout dans son sac à dos personnel pour affronter la vie et aller de l’avant. Et étant donné que nous réalisons toujours nos photos on voulait avoir un avis sur ce qu’elles avaient envie sur le mur. Et puis nous aurons le dimanche pour trouver la bonne personne. D’habitude on prend quelqu’un du groupe (là ce n’était pas possible) ou on réfléchit à quelqu’un qu’on connaît où qu’on a déjà croisé et qui correspond à l’émotion qu’on veut faire passer. Là, notre casting se fera dans la rue et c’est la première fois que ça se déroule comme ça. On cherchera un homme entre 30 et 40 ans qui inspire la confiance en soi et un mec capable d’avancer avec sa petite famille sous les bras.
Le dimanche, nous sommes à Épinal, la préfecture des Vosges, à la veille du commencement du projet. Nous savons ce que les filles veulent mais nous nous devons d’arriver le lundi avec LA photo. Nous passons la matinée à faire du repérage. Installés dans une brasserie du cœur de la ville, nous guettons si notre modèle ne serait pas proche de nous. Un de nous part se promener un peu arpenter les rues à la recherche de notre modèle. Il est 13h et nous sommes toujours bredouille. Pas une touche comme on dit. Nous avons de la chance le dimanche c’est le dernier jour de la fête foraine d’Épinal. Nous savons qu’il y aura du monde. Après un excellent déjeuner à la même brasserie que le matin nous nous retrouvons au beau milieu des manèges, des chichis et de la grande roue. Nous commençons par nous balader au milieu des gens venus se promener à la fête foraine. Au premier coup d’œil ça va être plus compliqué que prévu, disons que le vosgien qui fréquente les fêtes foraines n’a pas exactement le faciès que nous recherchons. Au bout d’une bonne heure nous commençons à nous dire que ça va être difficile puis en plus si on trouve, est ce que la personne va accepter. Une demi heure plus tard nous trouvons la personne idéale. Nous nous dirigeons vers elle. Dans ces moments là il faut foncer et espérer que ça va marcher. Manque de bol ça ne l’intéresse pas du tout. Nous sommes un peu désespéré et lui continu ces manèges avec sa femmes et ces deux enfants. Les jours raccourcissent et en plus de tout ça, nous savons que nous avons pas énormément de temps pour pouvoir faire les photos. Puis arrive une deuxième cible. Jonhatan. Il a le profil que nous recherchons. Il est avec sa femme et sa fille. Nous l’abordons. En vrai ça fait un peu forain et professionnel de l’arnaque mais on tente. Il nous écoute mais nous dit que c’est difficile et que ça ne l’intéresse pas. Deuxième déception, on commence à perdre espoir mais on a quand même toujours trouvé des idées mais ce qui nous embête le plus c’est pour les filles, qui elles sont enfermées et on leur a promis qu’on allait y arriver. Nous nous postons à un endroit, au croisement de plusieurs rues de la fête. On continue notre casting lorsque Jonathan revient vers nous et nous dit que finalement il veut bien essayer et qu’après réflexion il est ok. Nous voilà ravis et on a passé un quart d’heure avec lui dans un parc au milieu des camions de forains et des caravanes à faire des photos, le plus possible pour avoir au maximum de matière et pouvoir travailler. C’est difficile car on aime bien prendre plus de temps. Puis il y aura certaines photos qui seront flous… Mais on a réussi !!! On fonce donc dans tous les stands de bouffe pour fêter ça et en profitons pour faire des photos polaroïdes de la fête avant de rentrer bosser à l’hôtel.
Dimanche soir nous rentrons de notre journée à la fête foraine et nous voilà dans notre petit hôtel de banlieue proche d’un grand restaurant à burger plutôt rapidement exécuté. Nous avons énormément de travail. La nuit est tombée il fait plutôt frais. Nous devons impérativement fournir une liste exacte du matériel que nous avons besoin pour ce projet. Nous voilà donc en train de vider entièrement notre voiture sur le parking de l’hôtel afin de faire un inventaire exact de ce qu’il nous faut. Étant toujours très organisés, autant vous dire que la tâche est plutôt très intéressante. 22 Pinceaux, 15 Manches de rouleaux, 2 Scotchs de peintre, 14 Rouleaux de peinture, 4 Spatules métalliques, 1 Tourne vis, 1 mélangeur, 3 bouts de bois, Boîte métallique avec 4 stylos, 9 petits pots en verre, 13 scotchs papiers, 1 petit pot de peinture, 1L de gouache, 1 Rouleau de ficelle, 2 Masques de protection, 13 Masques en papier 1 Tournevis 1 mètre 1 décamètre, 1 truelle, 2 enceintes, 1 escabeau , 1 échelle 3 plans 6m50, 2 petits escabeaux , 1 échelle télescopique 3m20, 1 échelle 3 plan 4m, des capuchons, 2 encres 180ML, 1 spatule métallique, 16 marqueurs, 1 rouleau, 5 gants, 288 bombes de peinture pleine, 81 bombes de peinture vide, 10 pots de peinture acrylique de 15 L, 4 pots de peinture acrylique de 3L, 2 pots de peinture acrylique de 4 L, 3 pots de peinture acrylique de 5L, 1 ordinateur, 1 imprimante, 10 sacs poubelle, 3 sceau vide, 6 pots en verre, 1 niveau métallique jaune, 1 boîte à chaussure avec des cartes de visite, 1 bidon de 15L, 1 visseuse dé visseuse et une batterie,10 toiles, 1 trousse de feutres, 1 rétroprojecteur, 3 grands tapis de sol, 1 valise de draps, 4 perches, 2 enrouleurs électriques multiprises, 4 bacs en plastique, 1 trépied plus tard… Nous sommes près. Nous montons dans notre chambre pour fignoler et choisir la photo qui se rapprochera le plus de ce que les filles imaginent. Quelques heures plus tard nous sommes au lit et nous nous réveillons très tôt le lundi matin. Après quelques longs rêves, nous nous réveillons d’attaque. Et ce que nous ne savons pas encore, c’est que nous allons vivre un des projets les plus atypique et enrichissant de notre courte carrière. Bon ok on dit ça à chaque fois mais c’est ça qui nous fait vibrer et qui nous plaît dans ce que nous faisons.
Nous arrivons à la maison d’arrêt. Nous laissons nos téléphones portables dans un casier puis après avoir passé les portiques, nous rentrons avec notre véhicule pour pouvoir décharger tout le matériel de la semaine. Nous allons faire plusieurs aller retour entre notre voiture et le quartier femme. Nous laissons place à votre imagination pour nous imaginer faisant des trajets passant plein de portes blindées attendant à chaque fois que le surveillant nous ouvre avec un petit bip qui sonne encore dans nos têtes plusieurs jours après. Puis nous retrouvons notre groupe de sept détenues devenu six le temps d’un week end pour une petite histoire interne. Nous passons la matinée à discuter avec les filles, faire plus ample connaissance que le vendredi. Et nous sommes très vite libérés sur tous les questionnements que nous pouvons avoir les uns et les autres. Il y a beaucoup de franchise dans les deux camps et aucun tabous. Nous savons que nous intervenons dans une « prison » et que les femmes face à nous ont commis des délits punis par la loi mais nous savons aussi que nous avons six sublimes femmes qui ont plein de bonnes choses en elles et surtout une grande envie d’avancer dans la vie.Nous ressentons vite qu’il n’y a pas de dépression ou de suicide en vue ce qui est plutôt pas trop mal. Certaines même nous font part de leur envie de ne plus retourner en maison d’arrêt car la plupart sont incarcérées pour la deuxième ou troisième fois. Ça fait du bien d’en parler et nous sommes comme à chaque projet très curieux. L’heure du repas arrive et le lundi après midi c’est l’heure d’enfiler nos tenues de peintres en bâtiment pour apprêter au mieux le support d’un joli manteau blanc et gris qui servira de sous couche à notre œuvre d’art. Le mur qui va accueillir notre peinture se situe au fond de la cours de promenade des filles, derrière le panier de basket et un grand carré d’herbe ainsi qu’une belle partie de terre battue digne d’un terrain de Roland Garros malheureusement sans les joueurs ou joueuses ni les spectateurs du mois de juin. Et les cris des tennismans en furie sont remplacés par des hurlements de mineures fatiguées ou de garçons criant des prénoms d’autres détenues partis depuis bien plus longtemps que leurs peines encourues. Le fait d’intervenir ici provoquera aussi un réel chamboulement pour les vingt autres détenues et leurs sorties normalement comptées à une heure par jour. A 17h45 c’est l’heure du repas chacune rentre donc dans sa cellule. Après avoir bien transpirées nous négocions quand même avec la surveillante une douche car normalement si elles ne vont pas au sport elles ont le droit qu’à trois par semaine. Notre équipe de femme a été sélectionnée dans trois cellules différentes dont deux qui ne s’entendaient pas forcément très bien avant de commencer le projet. Ce jour là nous rencontrons Sandrine une surveillante exceptionnelle qui nous apportera beaucoup sur notre passage ici. Ce jour là nous avons le droit, vu avec la direction, à une prolongation de nos horaires car nous devons nous servir du rétroprojecteur pour tracer le personnage. Et il faut qu’il fasse nuit.
Le mardi nous nous réveillons dans un froid glacial proche des températures négatives. Nous sommes surs cette fois que nous sommes bien dans les Vosges. Nous arrivons et nous sentons que notre équipe est motivée et a envie d’avancer. Pour la semaine, en guise d’atelier et de cagibi nous squattons la buanderie au fond du couloir. C’est la dernière pièce avant de sortir pour se diriger vers notre terrain de jeu. Tout notre matériel, nos bombes de peinture, nos pots, nos pinceaux prennent la place des corbeilles de linges et des planches à repasser. Chaque matin, fin de matinée, début d’après midi et fin d’après midi se ressembleront. Et ce sera le même rituel. Il faut tous ensemble sortir le matériel et le mettre devant le mur. Il faut dérouler les moquettes et les tapis de protection pour ne pas salir le sol et mettre en place les échelles qui pourraient nous mener vers la sortie mais qui servent à réaliser cette peinture nous menant vers une autre sorte d’évasion. Plus les heures défilent, plus les heures s’écoulent, plus nous sentons une certaine alliance entre nous et les détenues mais aussi les détenues entre elles. Le premier soir nous savions d’ores et déjà que cette semaine allait être spéciale et qu’il allait falloir profiter de chaque instant. Mardi en fin d’après midi, nous nous mettons en salle d’activité avec des feuilles et des stylos afin d’écrire. Mais aussi nous allons conter, raconter, parler, rapper, slamer… L’exercice est très simple. Nous sommes autour d’une table, chaque personne écrit des mots (deux mots par personne) puis on commence à parler et au fil de la discussion, chacun montre son mot et celui ci doit être placé au cours de l’histoire. Au début elles ont peur. Paul fait un exemple puis une par une elles passent le cap et toutes jouent le jeu. Plus le jeu avance plus les mots deviennent marrants parfois même crus. Exercice terminé, on se serre la main. 17H45 c’est l’heure du repas. Les filles sourient, on a tous hâte d’être au lendemain. Le mercredi est là. Nous avons récupéré la veille notre premier bouquin Sismikazot « La vie va vite en vrai… » et nous le découvrons tous ensemble et elles sont aussi impatientes que nous de le découvrir.
Nous continuons la peinture qui avance plutôt vite. Vu le résultat et l’enthousiasme que nous portons au projet, inutile de faire plus d’éloges de ces six artistes. Le soir, avant le dîner nous sommes dans la salle d’activité pour deux heures d’atelier qu’on a tous adoré. On veut que les filles se mélangent, apprennent à mieux se connaître. Pour cela on va faire des improvisations et de l’expression corporelle. Après différents exercices que Paul a appris en faisant du théâtre avec la célèbre compagnie Oh ! Z’arts etc… basée dans le Cher, on place quelques chaises pour créer notre public puis par groupe de 2 ou 3, place à l’improvisation, au grand spectacle. Rien qu’en en parlant on a des frissons de tous ces bons moments qu’on a vécus. On passe les uns devant les autres avec des mises en situation toutes autant particulières les unes que les autres. Et sans trop le calculer, nous abordons des thèmes tel que l’amour, la discrimination raciale. On passe des entretiens d’embauche, on a des rencards amoureux, on se retrouve sur une île déserte ou dans un restaurant de luxe. Ça fait du bien de voyager, même si ce n’est que deux heures. Puis ce genre d’exercice fortifie la cohésion du groupe et on se sent encore plus fort pour continuer la fresque.
Le jeudi matin nous arrivons vers 9 h, les filles sont encore dans leur cellule mais malgré la fatigue, elles ont la patate. Une surveillante nous a dit : « ça fait 14 ans que je fais ce boulot et c’est la première fois de ma vie que je les vois avec le sourire au réveil. »
Bref, on continue. Étant donné que la photographie prend beaucoup d’importance dans nos projets, nous trouvons nécessaire de faire deux heures d’atelier photo et nous mettrons en pratique ce que nous apprendrons sur notre terrain de jeu. Rémi leur parle un peu de technique. On leur laisse nos appareils et on passe du temps à courir, faire des roues, prendre plein de photos dans la joie et la bonne humeur.
Le vendredi c’est le dernier jour où on est tous ensemble en équipe. Nous avons de la chance il fait toujours beau. Le travail est bien avancé et les filles n’ont plus grand chose à faire. A ce stade là c’est à nous de jouer, de tout mettre en œuvre et que cette ébullition nous porte tous vers le ciel. On discute et finalise le titre qui sera validée un peu plus tard par la direction. « J’avance, mes trésors en tête… »
Puis pour avoir un petit souvenir supplémentaire, nos collaboratrices vont réaliser une toile chacune avec les couleurs de leur choix et les prénoms qu’elles veulent. Certaines choisissent de réaliser un truc en clin d’oeil à leur famille, très souvent à leurs enfants qui pour la plupart ne les ont pas vus depuis des mois. L’après midi même, il y a déjà des toiles qui ont pris la fuite au parloir et qui à cette heure là sont déjà accrochées sur les murs de leurs maison. D’autres écrivent leurs prénoms avec des dédicaces pour les enfants ou les petits enfants, les neveux ou les nièces. Et enfin une autre partie choisit le prénom de leur amoureux à coté du leur avec même un cœur… La matinée se termine avec cet exercice en intérieur. Pour la plupart, les œuvres se reposeront à la « fouille » en attendant que nos amies artistes puissent les récupérer à la fin de leur séjour carcéral. Avec ceci il y aura des bracelets Fauve en cadeau, nos cartes de visites et un cd rom avec toutes les photos ci dessus. Rémi continue d’avancer sur la peinture à l’extérieur et Paul part faire les courses au supermarché le plus proche pour le goûter de fin. Nous avons fait la liste des courses tous ensemble avec les envies de chacun. La poche est remplie de boissons, sodas, bonbons, nougat. Il ne manquera plus qu’un Dj, une boule à facette et des cotillons pour que ce soit parfait. Nous arrivons même à improviser une table de jardin avec une caisse de bombes aérosols retournée et en guise de chaises nous rassemblons le plus de pots de peinture possible. Philippe Thomas est présent avec nous après avoir validé dans le bureau de la direction toutes les photos de la semaine qu’il a pris pour que nous puissions faire cet article. Par respect pour les détenues et leurs familles ainsi que pour la maison d’arrêt, il n’y a aucune image du visage des filles. Le pot de fin se déroule comme un grand vernissage fait avec les moyens du bord comme beaucoup de choses ici. Fait avec des fleurs trouvées dans le petit carré d’herbe, un bouquet dans une bouteille en plastique décore la table. Il n’y a pas de grands discours parce que nous ne sommes pas très à l’aise avec ça mais c’est le dernier long moment que nous passons ensemble. Nous avons eu le droit à de belles cartes postales, de jolis petits mots… Le lendemain, nous revenons pour terminer la fresque seul. Les filles sont dans leurs cellules et on les retrouvera dans l’après midi pendant l’heure de promenade pour la séance de photo finale. Nous immortalisons ce moment pour pouvoir le partager à l’extérieur mais cette fresque accompagnera nos nouvelles associées jusqu’à la fin de leur séjour ici et restera gravée sur les murs de la prison pendant encore de longues années.
Nous voulions dire un petit mot à chacune et leur souhaiter à toutes tout le bonheur du monde pour la suite.
Aline, courage pour le temps qu’il te reste à faire. Sors vite pour aller embrasser tes neveux et nièces tous et toutes commençant en A comme toi… On pensera fort à toi et on attend de tes nouvelles. Achète toi une voiture sans permis pour le futur ça pourra t’aider à ne pas revenir ici…
Gougoune, on t’attend au Cultura d’Épinal tu sais quand et t’as intérêt d’être sortie. Arrête la muscu tu passeras pas la grande porte et ils vont être obligés de te garder ou de faire venir un hélico. Garde ta bonne humeur, ta joie de vivre et continue de faire rire tout le monde.
Sev c’était pas gagné à la base, mais c’est peut être le rouleau blanc qui n’était pas fait pour toi. Mais tu as su nous prouver qu’à la bombe tu es la numéro 1 et pas que de la prison mais de toutes les Vosges réunies. Arrête les conneries il y a ta fille dehors et elle a besoin de toi. Et y’a ton Rudy aussi qui t’attend.
Cha, casse toi dans le sud, au moins il fera beau. Par contre on compte sur toi pour nous inviter à ton mariage !!! Bravo pour ton investissement et ton envie de découverte lors de ce projet. A la vie à la mort…
Marija, dès que tu sors, (on espère rapidement), fonce voir tes enfants et ta petite fille, elle a besoin d’une mamie pour manger des tonnes de chocolat et faire des bêtises, (des petites bêtises on entend bien sûr)
Nicky, une fois de plus t’es la dernière !!! C’est quand même fou ça ! Rien à voir avec ta couleur de peau bien évidemment mais c’est parce que t’es la meilleure. Tu dois tellement te régaler à Epinal. C’est bien qu’à ta sortie tu t’achètes un appart ici, dans les Vosges, que tu faces ta vie ici. En plus on a remarqué que tu as pris l’accent. Bref casse toi vite, (attend quand même d’avoir finie ta peine) et rejoins vite ta fille. Ça pousse vite tu sais…
Voilà c’est la fin… Ce texte doit être long mais elles le méritent tellement toutes… Rassurez vous pour ceux qui en veulent encore, il reste les remerciements. Ce fut une expérience inexplicable pour nous mais surtout inoubliable et gravée à jamais dans nos mémoires. On continue d’avancer avec nos trésors en tête. Et on rajoute bien évidemment à partir d’aujourd’hui sans hésiter, six filles (c’est nos copines qui vont être contentes) dans la boîte à bijoux, dans le coffre à trésors qui guident nos pas. Merci les filles pour votre sincérité et votre implication dans ce projet, car c’est tous ensemble qu’on a réussi à faire de cette fresque ce qu’elle est. On a tous eu des courbatures mais on a gagné ce combat. On espère vite vous recroiser en dehors c’est bien aussi, même si les gens sont bizarres ici. Prenez soin de vous, de vos familles, conjoints et conjointes, et de vos petits et petites bouts de choux.
Quelques remerciements très importants car un projet comme celui ci ne voit pas le jour par l’opération du saint esprit.
Un immense merci à Philippe Thomas, chef du SPIP, pour nous avoir permis de réaliser ce « truc » et avoir tout mis en œuvre pour qu’il se déroule dans les meilleures conditions possibles. Ça fait presque un an qu’on s’envoie des mails, qu’on se passe des coups de téléphone. Mais ça en valait la peine. Puis à distance c’est pas toujours facile. On a fait le choix du mur, tu as composé une équipe capable d’assumer un tel projet. Il a fallut faire des demandes de subventions, ça nous a permis de créer notre association.. En arrivant ici on ne connaissait que ton bel accent vosgien découvert au téléphone, puis on s’est rencontré. Tu as répondu à toutes nos demandes, toutes aussi farfelues les unes que les autres et personne ne peut imaginer comment elles sont nombreuses. Puis on a vite compris qu’ici il y a des solutions à tout et qu’il faut avancer au jour le jour. En chair et en os on a découvert une personne passionnée et motivée qui porte un grand intérêt humain aux prisonniers et c’est important. Tu es bourré d’humour et on a adoré bosser avec toi, donc des murs ils vous en reste, des idées et de l’énergie il nous en reste aussi un peu donc y’a plus qu’à reproduire l’expérience.
Merci aussi beaucoup à David Jacob, Noël 2015, on a dîné chez toi puis au fil de la discussion on a eu envie de faire ce projet. C’est comme ça qu’il est né. Le voir aboutir aujourd’hui est une grande fierté. Merci alors pour le premier contact. On s’est croisé le vendredi, on a eu la grosse réunion puis tu es parti en vacances. On espère donc que le résultat final te plaît. En tout cas on est très heureux de l’avoir fait et aussi du résultat.
Merci à Monsieur Milbled, directeur adjoint de la maison d’arrêt d’Epinal, vous avez du vous rendre compte que c’est pas facile d’accueillir deux saltimbanques de notre variété dans votre établissement. On vous remercie de nous avoir ouvert vos portes puis il y en a beaucoup chez vous et avec des grosses clés. Les six détenues que nous avons eu ont été exceptionnelles. Elles ont méritées entre trois et six mois de remise de peine… Merci encore et on espère vous revoir bientôt.
Merci aussi à Stéphane Dodeux, responsable du quartier femme, nous sommes ravis de cette collaboration. Merci à toi d’avoir facilité notre venue et fait en sorte qu’elle soit plus simple. Merci aussi pour la chocolatine du samedi matin. Ça paraît pas grand chose mais pour nous c’est très important !!!
Nous ne pouvons pas faire de remerciements sans citer toutes les surveillantes que nous avons côtoyé cette semaine. Celles à qui on a fait faire des centaines de pas supplémentaires , ouvrir quatorze portes de plus à la minute que d’habitude. Marie Line, Sandrine, Nathalie, Valérie, Bernadette. On écrit pas un topo pour chacune car on ne veut pas faire de jalouses mais sincèrement merci. On vous porte dans notre cœur.
Pour les gens en dehors de la prison, on tient à remercier l’équipe du Cultura d’Epinal avec qui on travaille souvent et on y était juste avant de rentrer en prison. Merci et désolé on a été beaucoup pris, on a pas eu le temps de revenir trop vous voir.
Un immense merci à Jonathan, sa femme et sa fille… Merci d’être revenu sur la décision. On se voit à noël pour fêter ça quand même.
A tous les gens qu’on a croisé dans les hôtels et les restaurants durant toute la semaine.
Après ce long texte nous tenons à vous faire lire les ressentis et les mots que les six détenues Aline, Cha, Sev, Nicky, Gougoune et Marija ont écrit :
Quand je me suis inscrite pour l’atelier fresque, je ne pensais pas passer un aussi bon moment avec vous. Vous nous avez fait découvrir votre travail, votre grande passion et plaisir. L’ambiance était super, vous êtes super cool. Cette semaine est passée super vite ça nous a changé de notre quotidien en prison. J’aurais plaisir à venir vous revoir, et à refaire une fresque avec vous. Merci pour tout, je garderais un super souvenir de vous. Bonne continuation à Sismikazot !!! Bisous. Aline
Déjà cinq jours ce sont passés avec deux personnes formidables qui nous ont appris plein de belles choses dans le monde de la peinture. C’est une chance énorme pour nous de faire ça. J’ai vraiment adoré faire de la bombe puis ils font de supers choses. En plus de tout il y a une très bonne ambiance. Ils sont très rigolos, ils nous mettent de bonne humeur. C’est ça qui est cool. Si on pouvait le refaire ce serait avec très grand plaisir. Je vous remercie beaucoup Rémi et Paul. Laetitia
Les papillons !!! Les cinq jours avec vous n’étaient pas si nuls que ça. Non sans rire c’était grave bien pour des jours passés en prison. Vous êtes au top et vous gérez niveau peinture !!! Bref continuez comme ça vous avez du talent. Bonne chance pour la suite moi j’ai kiffé et je m’y attendais pas du tout. Bonne surprise !!! Gros bisous les (bijoux) Nicky
Merci pour votre intervention cette semaine, l’ambiance était au top et on a appris plein de choses. A refaire, merci. Merci à plus… Cha
Rémi et Paul, Un grand merci à vous deux pour cette semaine. Vous êtes super, plein de vie, ça m’a fait plaisir de bosser avec vous. Votre curiosité est étonnante !!! Un proverbe dit « avoir une mémoire d’éléphant » Là je peux le dire. Durant ces quelques jours ça a été une découverte fabuleuse et remplie de rire. Vous êtes de bons vivants ne changez rien. Merci à vous de nous avoir donné un peu de ce qui vous passionne. Au plaisir de vous revoir. Bisous. Marija
Ah si j’oubliais il y a encore plein de murs vides, alors c’est quand votre prochain passage ?
Je pensais que ça n’allait pas être terrible mais j’ai kiffé. Il y avait une super ambiance. Ça fait du bien. La peinture rend super bien et le personnage comme une photo. Très bonne semaine à refaire !!! Sev
Paul et Rémi, Un petit mot pour vous remercier de ce que vous êtes venus faire cette semaine avec nous. On a passé une super semaine qui est passée très vite. J’ai adoré de découvrir la peinture à vos côtés. Vous êtes deux mecs supers ne changez rien. J’ai passé une semaine de ouf à m’éclater. Bonne continuation. Vive Sismikazot !!! Gros bisous. Aline
Salut vous deux, juste pour vous dire que le fait de faire cette fresque avec vous cette semaine était vraiment sympa. Merci d’avoir changé et égayé notre quotidien qui est beaucoup plus monotone en temps normal. Bonne continuation. A plus. CHa
Merci à elles <3
Et enfin voici ci dessous une grosse partie de phrases que nous avons récolté autour de ce projet. La thématique abordée comme vous avez pu vous en rendre compte est comment fait on dans notre quotidien pour avancer et quels sont les petites choses qui nous font avancer. Toutes les phrases n’ont pas été écrite et quelques unes se trouvent aujourd’hui sur le mur peint. Ce sont des phrases de nos six détenues mais aussi des autres filles d’autres cellules, des co détenues ou même du personnel de la maison d’arrêt.
La vie est un combat perpétuel…On cherche à protéger nos enfants car l’enfant est le pilier de mon cœur .
Profiter de la journée comme si c’était la plus belle de notre vie.
Curiosité écoute des autres…
Mon fils, ma famille, la fête la musique
Je ne vis pas sans l’amour de mes enfants. L’avenir de mes enfants est très important ainsi que leur joie de vivre. Ça me donne que du bonheur. La musique me rend de bonne humeur. Je suis dans un trou noir mais je vais bientôt revoir la lumière.. Mon chéri me fait des caprices mais il est toute ma vie.
Je renonce à l’enfer je dis oui au bonheur…
Ma route est pleine de trous mais au bout je vais retrouver mes voyous, mes bijoux
« Ce n’est pas un péché que d’être heureux »
« Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, je vous propose d’essayer la routine, elle est mortelle. »
« Les obstacles font partis de notre vie »
Voyez toujours le côté le plus brillant de la vie, si il n’existe pas alors frottez le côté obscure jusqu’à ce qu’il brille.
Il y a trois choses qui me tiennent dans ma vie, l’espoir de revoir un jour mes enfants et ma petite fille que je n’ai pas encore vue.
J’ai détruis ma vie mais je garde l’espoir de revoir mes enfants et ma petite fille.
J’ai détruis ma vie, mais je garde l’espoir de revoir mes enfants. L’espoir fait vivre, si je n’avais pas l’espoir de revoir mes enfants et ma petite fille je ne serais plus de ce monde. Chaque jour j’imagine leurs sourires. Le chocolat et moi est une grande histoire d’amour.
Si l’espoir te fait vivre alors ne gâche pas ta vie en venant lire sur ce mur !!!
Malgré tout je suis fière du parcours que j’ai accompli
Si dias esta mig,
si dias esta con migo guien contra y…
Despues de la tormenta lega la carssa
Todo lo gue brilla no es oro
La fierté d’être heureuse et d’être devenue une personne heureuse.
Je ne suis pas ce qui m’est arrivée. Mais je serais ce que je choisirai d’être.
La prison c’est le vide, le néant, l’amnésie, c’est la nuit qui se traîne et ne veut pas finir…
L’espoir qui nous fait vivre.La vie est faite d’épreuve que nous seul surmonterons. Les codes de la vie nous a fait grandir plus vite que prévu…
La prison morale est bien plus pire que la prison physique.
Le bout c’est la mort. J’ai faim moi, je m’en sortirai grâce à la bouffe.
Si je ne trouve pas de chemins je me créerai le mien.